un Français, un Anglais et un Allemand sont chargés de rédiger une étude sur le chameau.
Le Français va au jardin des Plantes, y passe une demi-heure, interroge le gardien, jette du pain au chameau, le taquine avec le bout de son parapluie, puis rentre chez lui et rédige pour son journal un feuilleton plein d’aperçus piquants et spirituels.
L’Anglais, emportant son panier à thé et un confortable matériel de campement, va planter sa tente dans les pays d’Orient et en rapporte, après un séjour de deux ans, un fort volume bourré de faits sans ordre ni conclusion, mais d’une réelle valeur documentaire.
Quant à l’Allemand, consterné par la frivolité du Français et l’absence d’idées générales de l’Anglais, il s’enferme dans sa chambre pour y écrire un ouvrage en plusieurs tomes intitulé : « Idée du chameau tirée de la conception du moi »!
Concentré de clichés douteux, cette blague nous parle encore, malgré la suspicion légitime qu’elle suscite.
En quelques traits, elle évoque ce qu’une certaine littérature, depuis Madame de Staël, n’a cessé de formuler plus longuement :
– le Français incarnerait l’esprit de finesse, mais aussi la vanité superficielle et courtisane ;
– l’Allemand la profondeur et l’esprit de système, l’absence d’humour mais aussi la volonté de vérité sans fard et la rigueur du raisonnement.
Source : Luc Ferry